La guerre est dans les mots et il faut les crier
Par Florian Grandena & Pierre-Luc Landry
$26.95Nous avons écrit ce livre avec nos corps. Nous avons parfois failli y laisser notre peau. Nous avons parfois failli y laisser notre santé mentale, également, puisque nous avons choisi d'y creuser des sujets qui nous révoltent, nous obsèdent, nous font violence. Nous avons aussi été affectés par l'extérieur, par l'état actuel du monde, par les meurtres et agressions qui se sont produits pendant que nous rédigions le livre. Il n'était pas possible d'écrire sans dire« je», sans parler d'une même voix au «nous», tout en rendant cette voix fluide, fluctuante, insaisissable. Nous avons écrit à partir des effets politiques de ce que nous sommes, tout en brouillant les pistes - rien, ici, n'appartient plus à l'un qu'à l'autre. Nous écrivons ensemble.
Au choc affectif initial suivant l’attentat queerphobe au Pulse Nightclug en 2016, ont suivi des réactions sidérantes de certains individus issus des communautés LGBTQIA2S+ qui nous ont laissé pantois. Certains ont en effet cru bon de devoir justifier leur existence ; d’autres ont demandé à être toléré·e·s ou considéré·e·s comme « normaux et normales ». Il est crucial que nous interrogions notre rapport au langage du groupe dominant normatif et conservateur; il faut que nous ébranlions à notre façon quelques tics et habitudes de langage qui, sous couvert d’acceptation et de formules commodes, oppriment et assimilent simultanément les populations marginalisées. Aussi, notre ouvrage se veut une réponse à ces réactions que l’on pourrait qualifier tout à la fois de naïves, mal informées, conservatrices, sans aucun fondement critique, mais certainement coupées d’une certaine histoire ou culture queer contestataires et politisées qui privilégeriaient non pas les consensus mous autour de droits certes très importants, mais au contraire les dissensus (dont certains des objectifs sont la remise en question des dogmes, des systèmes normatifs contraignants et de la soumission aux groupes dominants). La bataille est langagière et sémantique et nous la menons dans notre ouvrage entre autres par une réflexion théorique sur le queer et par le biais d’analyses critiques et théoriques – mais toujours accessibles et ludiques – et d’études de cas diverses : y sont discutées les vidéos animalières « pro-gay », des figures issues de la culture populaire étatsunienne et les propos de certains trublions gays de la droite populiste québécoise.